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Publié le 17 Juin 2014

Je n'aurais jamais pu trouver de mots plus forts pour décrire ce que c'est que de perdre quelqu'un.

 

« Mais là, et pour la première fois, j'ai eu mal, tellement mal. Un coup de poing dans le ventre, le souffle complètement coupé, le coeur en compote, l'estomac complètement écrabouillé. Un douleur physique insoutenable d'avoir perdu un proche. Je me suis demandée si je m'en remettrais un jour, de cette douleur-là. J'avais mal à en hurler. Mais je n'ai pas hurlé. Ce que je ressens maintenant que la douleur est toujours là mais qu'elle ne m'empêche plus de marcher ou de parler, c'est une sensation d'impuissance et d'absurdité totale. Alors c'est comme ça? Tout d'un coup, tous les possibles s'éteignent? Une vie pleine de projets, de discussions à peine commencées, de désirs même pas accomplis, s'éteint en une seconde et il n'y a plus rien, il n'y a plus rien à faire, on ne peut plus revenir en arrière? Pour la première fois de ma vie, j'ai ressenti le sens du mot jamais. Eh bien, c'est terrible. On prononce ce mot cent fois par jour mais on ne sait ce qu'on dit avant d'avoir été confronté à un vrai «plus jamais». Finalement, on a toujours l'illusion qu'on contrôle ce qui arrive; rien ne nous semble définitif. J'avais beau me dire toutes ces dernières semaines que j'allais bientôt me suicider, est-ce que j'y croyais vraiment? Est ce que cette décision me faisait vraiment ressentir le sens du mot «jamais»? Pas du tout. Elle me faisait ressentir mon pouvoir de décider. Et je pense que, à quelques secondes de me donner la mort, fini à «jamais» resterait encore un mot vide. Mais quand quelqu'un qu'on aime meurt...alors je peux vous dire qu'on ressent ce que ça veut dire et ça fait très très très mal. C'est comme une feu d'artifice qui s'éteint d'un coup et tout devient noir. Je me sens seule, malade, j'ai mal au coeur et chaque mouvement me coûte des efforts colossaux [...] Mais je sais qu'on s'est arrêtés net tous les deux et qu'on a respiré profondément en laissant le soleil réchauffer notre visage et en écoutant la musique qui venait de là-haut. En pensant à ça, ce soir, le coeur et l'estomac en marmelade, je me dis que finalement, c'est peut-être ça la vie: beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n'est plus le même. C'est comme si les notes de musique faisaient un genre de parenthèse dans le temps, de suspension, un ailleurs ici même, un toujours dans le jamais.

Oui, c'est ça, un toujours dans le jamais

- L'élégance du hérisson - Muriel Barbery -

 

Rédigé par Autre

Publié dans #Extase Extérieure

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