San Francisco

Publié le 21 Octobre 2014

J'ai laissé une partie de moi-même à San Francisco.

La première à m'avoir accepté avec toutes mes faiblesses. San Francisco sait tout. C'est celle qui m'a vu comprendre bien des réalités réelles. San Francisco la bienveillante. San Francisco je m'y suis livrée de force.

San Francisco m'a vu offrir mon coeur sur un plateau d'or. San Francisco m'a vu quitter les cours en vitesse pour rejoindre mon impossibilité sur le warf. M'accrocher aux tramways rouges pour rejoindre au plus vite la peine de deux mois vides de sens. En espérant qu'en arrivant sur le quai, l'impossibilité serait au rendez-vous comme prévu, elle y était, à chaque jour, 3:45 PM, pour me rappeler qu'il me restait un peu d'amour à jeter par dessus bord. San Francisco m'a vu de mon balcon avoir le coeur serré comme jamais ça ne m'était arrivé, sourire quand même, puis pleurer, beaucoup fort. San Francisco m'a vu porter des chandails imprégnés de parfum d'tristesse, juste pour me rappeler un peu que c'était la dernière fois. Que c'était éphémère. L'odeur de l'impossible qui fait quand même un peu mal. San Francisco guidait le taxi bleu à travers le trafic jusqu'à l'aéroport. San Francisco m'a aidé à le laisser partir.

San Francisco m'a vu m'émerveiller. Courir d'un quartier à l'autre, les yeux tournés vers le ciel. Vouloir danser à travers les foules. San Francisco m'a vu tourner sur moi-même comme un enfant. J'y aurais couru avec des ballons. San Francisco m'a fait retomber en enfance, puis m'a pousser à vieillir un peu plusse. Doucement, petite tape dans le dos, puis boulet de canon en pleine face. San Francisco est sournoise. San Francisco m'a poussé à m'dépasser juste un peu. À sortir de l'enfance pour avoir le droit de me ramasser à l'âge adulte, bien comme il faut. San Francisco m'a remis à ma place.

San Francisco m'a vu dans le deuil, le deuil après une année sans Elle. Réaliser qu'on est le 15 juin beaucoup trop tard dans la journée, m'en vouloir, me sentir coupable. San Francisco me l'a pardonné. San Francisco m'a permis de pleurer à mon aise dans un vieux sous-sol d'hôtel pas très legit. San Francisco m'a toute permis ça. Les larmes, San Francisco savait les gérer.

San Francisco m'a vu forte, vivre par moi-même, sans personne, vivre à ma manière, comme je l'entendais. Sans avoir besoin d'une présence quelconque. San Francisco m'a vu décrocher de l'inconfort de la solitude. San Francisco m'a baladé d'un bus à l'autre, de la jolie maison bleu jusqu'aux rues toutes en relief. San Francisco m'a vu devenir indépendante, complètement, San Francisco m'a vu se fier que sur moi-même et réussir.

San Francisco m'a vu dans toute ma légèreté. San Francisco m'a fait danser toute la nuit, m'a fait rencontrer des gens à travers le monde, m'a fait profiter d'un feu de camp sur la plage, de longues marches interrompues par des éclats de rire étudiants. San Francisco m'a vu libre de toutes contraintes sociales. De l'Allemagne à l'Asie, du Japon à la Colombie.

San Francisco m'a vu souffrir aussi. San Francisco m'a mis au défi, m'a ouvert les trips sur la rue. San Francisco a gardé un peu de moi-même avec elle, parce que les trottoirs sont probablement encore couverts de mon désarroi quelque part au centre-ville entre deux building. San Francisco m'a accompagné dans un coup bas, m'a rappelé que la vie c'était aussi des conséquences. San Francisco a gardé une partie de mon coeur là-bas, une partie qui ne sera probablement plus jamais comblée. Je me demande parfois si c'est pas pour ça que je tiens à y retourner à chaque année. J'espère peut-être retrouver ce que j'ai laissé flotter dans l'air. San Francisco m'a vu sortir sur la rue, le regard vide. Errer sans destination. Tsé, vraiment pas savoir où on s'en va.

San Francisco m'a vu être au ralenti par rapport à la foule compatissante. Parce que San Francisco me souriait en coin quand même. San Francisco est accueillante, malgré tout. San Francisco, cette après-midi là, m'a ramené saine et sauve à la maison bleue. J'aurais pu m'y perdre. San Francisco aurait pu m'engloutir facilement, mais a décidé de me laisser une chance.

San Francisco est bienveillante, laisse la chance de se relever. San Francisco m'a accordé la solitude que j'avais besoin et une deuxième chance, m'a vu faiblir, me résigner, m'a vu prendre ma décision, m'a vu quitté son espace temps; le coeur gros, le corps fatigué, mais l'âme tellement plus éclairée. San Francisco m'a vu la tête baissée, et San Francisco m'a pris dans ses bras pour me rappeler que j'étais un être humain malgré tout, comme je disais, m'a accepté dans tous mes défauts.

De la prison que tout le monde voulait quitter à l'époque & qui maintenant déborde de gens payant pour y entrer. De la brume matinale qui s'étend, paresseuse, jusqu'à midi, pour nous laisser les idées jamais bien claires. Du quartier des hippies colorés par les drapeaux arc-en-ciel aux parcs douteux. De ses graffitis impressionnants à ses cafés renommés. Du pont imposant qui brille d'or par son rouge vif, le torse bombé, affirmant à ceux qui le traversent : oui vous êtes bien à San Francisco, bienvenue et au plaisir de vous guider dans votre propre cheminement à travers nos rues sinueuses. N'hésitez pas à vous perdre pour y rester un peu plus longtemps. San Francisco veille. San Francisco pardonne. San Francisco, ça nous marque, directe au coeur.

San Francisco

On la surnomme la Fog City, la Cité du brouillard. La rencontre de l'eau froide de l'océan et de la chaleur intense de la Californie intérieure embrume le ciel. Le brouillard recouvre la ville comme un filtre Instagram et rend le paysage mélancolique. [...]

J'ai mis trop de temps à venir à San Francisco. Voilà pourquoi j'incite tous ceux qui ne se sont pas décidés encore à ne plus hésiter. La destination doit faire partie de la tournée de votre vie. C'est le carrefour du temps passé et du temps futur.

Stéphane Laporte

Rédigé par CY - « See Why»

Publié dans #Beaux Mots

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