Pure Cocaïne Love

Publié le 7 Septembre 2014

Quétaine à en creuver. Tsé le genre d'histoire où la fille est mariée, elle a des kids & sa famille. Elle rencontre un gars pas pire, le genre de gars qui fit avec ses phéromones. Ma grand-mère appelle ça le coup de foudre. L'inconscient est fort dans ce temps là, il t'oblige à faire du déni solide, mais le plus beau de ce mécanisme de défense là c'est que tu t'en rends pas compte. Tu te crois vraiment jusqu'à la fin que t'es bien dans ton confort. Tu crash pas toute ta vie établie pour le gars aux belles phéromones. T'essaies de le présenter à ta meilleure amie célibataire, juste pour te convaincre. Tu le revoies une coupe de fois. Un peu trop finalement. Ça pas marché avec ta meilleure amie de toute façon. Ça commence à te déchirer les entrailles, tu doutes tout d'un coup, l'chum parfait devient un peu plate. Un peu trop parfait. Un peu trop dans l'quotidien. La toune Taxi des Cowboys Fringants prend ben du sens, elle finit par te convaincre que c'est pas faux. Que peut-être t'étais pas si bien, que tu as besoin de vivre autre chose. Pi la le dude aux phéromones continue à garder contact, parce qu'il sait que ça marche de même. C'est tellement facile avec les messages textes pi toute. Ton cellulaire devient propriété privée absolue, tout d'un coup aussi. Ta morale joue au frisbee avec ton côté téméraire.

Ma grand-mère, elle, rencontrait son amant dans son char le soir, ils parlaient longtemps, ils buvaient du coca & elle rentrait tard. Rien de ben ben grave, mais quand même plus intense qu'une échange de textos de soirée. Tsé. À force de faire des balades nocturnes, ben elle est tombée amoureuse. Elle s'est laissée prendre au jeu de la vie. Pi elle a mordu à pleine dent. Laissé son mari dans une génération où ça se faisait pas. C'était une prohibition à caractère sacré dont la transgression est susceptible d'entraîner un châtiment surnaturel. Finalement c'était un sujet qu'il est préférable de ne pas évoquer si l'on veut respecter les codes de la bienséance d'une société donnée©. Elle pouvait même plus aller à l'église & elle pouvait même pas se pavaner en public avec son nouveau chum aux phéromones parfaites. Aucune selfies de eux ben trop heureux sur Facebook. Ça existait pas, pi même si ça avait existé version vintage, on l'aurait banni probablement. Aucun like sur ses photos pi des commentaires la traitant de sorcière. Ses enfants qui répondaient à leur prof à l'école que leurs parents étaient séparés, des plans pour que eux aussi soient mis dans la catégorie immoraux-asociaux-on-les-a-perdu-pauvres-enfants. Pourtant ils étaient ben heureux. Aujourd'hui quand je dis que mes parents sont séparés, ça fait autant de tabou qu'un adulte qui fume du pot le soir. C'est noa[1] finalement. Le plus beau c'est qu'ils sont restés ensemble, et heureux, le reste de leur vie. C'était à la fois son meilleur ami, son amant, son chum, son partner de job, ils passaient des genre de 24 heures sur 24 ensemble. Plus vieux, ils ont même fait la petite folie de se marier à Las Vegas pendant un voyage. Enfin, ils s'unissaient parce qu'ils voulaient et pouvaient, d'une façon aussi marginale et fo-folle que possible, parce que l'église pour eux c'était pas assez wild. Ça représentait pas ce qu'ils avaient vécu & de toute façon leur amour valait mieux que la religion qui les avait mis de côté bien des années avant. D'ailleurs, ma grand-mère l'a marié avec un anneau de porte-clef acheté chez Rona juste avant le mariage dans un petite chapelle de Las Vegas. Nous autres on avait été avertis à la dernière minute et on regardait le mariage sur nos écrans d'ordi de dinosaure à distance au Québec. J'étais jeune, mais j'avais trouvé ça beau, c'est la que j'ai compris que ma grand-mère derrière ses grands yeux d'enfants avait été marginale à sa façon, dans son monde. J'avais probablement ses gênes. Elle était peut-être pas apicultrice, mais elle avait décidé de vivre en marge de sa génération et d'y être bien. Contrôle social, fuck it. Elle devait sourire aux gens de son village qui l'a jugeait et leur dire de ses grandes dents blanches : allez chier. Mais elle restait polie, pas le choix.

Je trouve ça beau les histoires d'amour qui se passent dans l'illégalité, dans l'impossibilité probable, dans l'immoralité sociale, tsé quand on regrette presque, mais qu'au fond pas pentoute. Ça m'en prend plus qu'une histoire de texto tard le soir avec le gars des phéromones parfaites quand t'as déjà un chum pour me choquer, ça m'en prends ben plusse. J'ai juste envie de dire fonce, mais ça se dit pas. C'est plate les histoires faciles. Faut dire que des fois certains se pètent la gueule dans ce genre d'histoire aussi et ça fait pas trop de bien non plus. Faut aussi vivre avec le fait que tu peux te retrouver derrière le miroir et tu veux pas vraiment ça malgré que tu comprends. Le cerveau comprend, le coeur braille. Vivre avec les conséquences. On angoisse, c'est pas nice-nice, mais still, j'aime mieux avoir mal un peu longtemps pour vivre intensément quelques temps. Ça va passer de toute façon.

 J'aime ça les histoires du genre, que le gars a jamais pu vivre l'Histoire d'Amour qu'il voulait avec La Fille de sa jeunesse. Qu'il s'est finalement marié avec une autre femme qu'il aimait tout autant, mais que son cerveau continue 43 ans plus tard de le réveiller en pleine nuit pour lui rappeler La fille dont il a été éperdument amoureux. Encore là, ce gars là, à 63 ans, n'avait pas Facebook pour garder contact quand il était jeune, il ne possède aujourd'hui que ses souvenirs lointains et de plus en plus rares & le nom de la fille, that's it. &un jour il va faire une randonnée en montage, il arrête à l'accueil du parc, il revoit un ami d'enfance qui lui parle d'Elle. Qui lui apprend qu'Elle est de retour en ville. Qu'Elle est passée il n'y a pas trop longtemps. Qu'Elle habite sur telle rue. Qu'Elle lui a laissé un mot... Et voilà ses rêves accidentels deviennent récurrent, les démons refond surface; il pourrait la revoir. Sa femme, étrangement, comprend. À cet âge, après une vie commune de tellement d'années, la sagesse prend le dessus j'imagine. Elle le laisse la revoir et il prend maintenant son café à chaque dimanche matin avec elle. Ils vivent leur histoire à retardement, on sait pas trop ce qui va arriver. Mais on le voit dans ses yeux marqués par le temps d'attente qu'il est enfin parfaitement heureux. Le p'tit vide prati-éternel est comblé.

J'aime ça les affaires impossibles. Tomber amoureuse de quelqu'un qui habite à l'autre bout du monde, juste pour être sur que ce soit irréalisable. Tomber amoureuse de ton prof ben trop parfait quand il t'explique des concepts ben trop compliqués avec l'aisance d'une star hollywoodienne. Tomber amoureuse du gars qui prend le bus à même heure à chaque matin avec toi. Jamais l'aborder. Tomber amoureuse d'un ami qui est l'ex de ton amie ou de ton ami d'enfance ou encore de ton ami gay. Tomber amoureuse du gars amoureux, mais pas de toi.

J'aime ça les genre de folies passagères aussi.  Le gars qui décide de conduire 2 heures pour rejoindre la fille, passer par sa fenêtre, tsé les affaires ben ben quétaines. J'aime ça. Rejoindre quelqu'un sous les couvertures et quitter avant que le cadran sonne, juste pour pas se faire prendre. Tsé danser avec un inconnu, pas savoir son nom, juste le regarder en lui disant «ce soir je m'en vais sans te donner la possibilité de me revoir», pi je l'apprécie. Dans deux jours je vais t'oublier, mais ce soir tes phéromones me tentent. Ce soir je te french au bar, je sais juste que tu construits des ponts sur la Rive Sud, pi c'est ben suffisant. Moi? Moi je suis apicultrice et étudiante en droit aussi. C'est pas une joke, mais je m'appelle pas Brittany D., ça c'est une joke. Ces histoires me font rêver. Parce que le temps et la vie ont le dessus finalement.

Aujourd'hui ma grand-mère a perdu son homme, la vie lui a enlevé récemment. Elle en parle avec amour encore. À chaque fois que je la vois. Elle s'ennuie. Hier, elle est allée lui porter un bouquet de fleurs au cimetière, comme à chaque mois, elle s'indigne de voir que ses fleurs du Dollorama disparaissent à chaque fois, mais elle ne peut pas quitter sans lui laisser quelque chose, elle veut qu'il sache qu'il est encore sien, encore son meilleur ami, son amant, son partner in crime de la vie. Cette vie qui me rend folle à force de me surprendre avec des coups à la ceinture comme avec des paillettes inattendues qui tombent du ciel. Même quand cette vie me regarde, me défit, en me disant que j'y arriverai pas sans écorchures, je lui souris, comme ma grand mère face à ses voisins pognés, je souris à mon malheur pour lui dire fuck you men, je suis bien icitte pi des histoires de même, j'vais les vivre. Je suis ben trop susceptible, orgueilleuse, pour faire autrement. Si je tombe, je vais me relever, le bag pack plein d'expériences pour mieux vivre les autres encore.


[1] Antonyme de tabou ; qui est ordinaire, accessible à tous. On n'apprend-tu des affaires avec wikipédia!

Pure Cocaïne Love

J'aimerais ça être un accord de ta guitare, de préférence celui que tu joues le plus souvent, le rouge sur ta peinture, le néologisme dans ta littérature, l'angoisse de tes phobies & le parfum d'une de tes nuits.

Rédigé par CY - « See Why»

Publié dans #Raw

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S
Ohhh là j ai pleuré! Ta quétainerie est venue me toucher dret dans l coeur! Tu permets que je partage et que je fasse lire à ma maman?
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C
Ben oui !